T. évoque son arrivée sur notre Académie

En septembre 2019, T. est arrivée sur notre académie. Je l'ai rencontrée à la réunion d'harmonisation. Nous avons rapidement échangé et elle m'a fait part de son étonnement concernant notre fonctionnement, confirmant ce que je pensais depuis que j'ai commencé à y réfléchir sur ce blog.

Je lui ai demandé d'écrire un texte pour le raconter, en lien avec le mien, qui suit (ou précède selon le sens de la lecture). Deux faces d'une même réalité...

"J'enseigne en UPE2A depuis 6 ans et j’ai travaillé pendant cinq ans à l’Académie de Créteil en Seine Saint Denis. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, j’étais convaincue que partout en France l’organisation était la même. C’est-à-dire que nous, les professeurs UPE2A nous avions à suivre des élèves aux niveaux et aux profils différents, à les inclure dans leur classe pour certaines matières, à préparer leur orientation en accord avec les Psy- En et les CPE, à enseigner en classe ordinaire, à remplir les bulletins, à rencontrer les familles… et, cela va de soi à enseigner le français à ces élèves qui viennent de l’étranger.

Comme diraient les anglais « to my surprise », quand j'arrivai dans l’Académie de Nice je découvris que le fonctionnement n’était pas du tout pareil.

Premier choc : il était entendu qu'en septembre, je m’occupe de rencontrer et tester les élèves. Pour ce faire, j’avais droit à une semaine. Mais moi, je ne l’avais jamais fait, puisque dans le 93 les élèves étaient testés au CIO. A Nice, je ne sais pas pourquoi, le CIO remplit cette mission au lycée mais pas au collège.

Me voilà donc prise dans un turnover sans fin, en tout début d’année scolaire, de tests à faire passer et de familles à rencontrer. Et ce n’était que le début. Il fallait aussi faire l’emploi du temps de ces élèves…

Dans mon précédent collège, en septembre, nous avions un emploi du temps standard pour les UPE2A et c’était la secrétaire qui leur donnait. Ensuite, environ 3 semaines après, une fois que j'avais fait connaissance avec mes élèves, je décidais dans quelles matières et dans quelles classes les inclure. Je le faisais en concertation avec le principal qui se chargeait de modifier les EDT. Ici, il faut tout faire, nous sommes seuls dès le départ et j'ai dû insister fortement auprès du principal adjoint pour qu’il accepte de préparer en temps et en heure un EDT sur mesure pour chaque allophone.

Aussi, nous avons des groupes d’élèves à géométrie variables, toutes les heures et tous les jours, un vrai casse tête !
Et je découvre que le nombre d’élèves dans cette unité n’est pas fixé à quinze comme en Seine Saint Denis, il varie selon les collèges, et peut monter dans certains établissements jusqu'à 40.

D'autre part, il n’y a pas de classes UPE2A- NSA comme dans mon ancien département. Je me retrouve donc en cours non seulement avec des élèves qui ne connaissent pas ou très peu le français mais aussi des élèves qui n’en savent ni lire ni écrire dans leur langue d’origine….

Je me dois d'aborder maintenant la question du CASNAV. Dans mon ancienne Académie, le CASNAV était notre soutien, il organisait des formations, nous soutenait dans les éventuels conflits avec les hiérarchies, ses délégués venaient nous voir en cours, nous donnait des conseils précieux. C’était à la fois notre allié et notre banque de ressources.

Pleine d’espoir, je me rends donc à ma première réunion Casnav à Nice. Je me retrouve alors confrontée à une « bourse aux élèves ». Je prends la parole, ose une timide plainte sur le fonctionnement et exprime mes perplexités. Je découvre que tout le monde ou presque, trouve normale cette surcharge de travail. La priorité en cette journée, est de se donner les élèves, c’est-à-dire ceux qui en avaient très peu recevaient des élèves testés par les autres collègues aux dispositifs déjà surchargés.

Dans mon Académie d'origine, c'est le CASNAV qui prenait ce genre de décisions, ou mieux la DESDEN. La responsabilité n'en revenait certainement pas aux enseignants.

Je découvre de même que dans cette Académie le professeur UPE2A ne travaille qu’avec les élèves allophones et n’enseigne pas en classe ordinaire (avec des élèves francophones), contrairement à ce que préconise le texte de la circulaire. Vue la quantité de travail administratif considérable supplémentaire par rapport à ce que j'ai connu, c'est compréhensible mais cela ne peut le justifier. Car cela nous exclut automatiquement des équipes pédagogiques de Lettres mais nous isole aussi des autres collègues.

Enfin, pas de lettre de mission expliquant ce que nous devons faire, pas de référent hiérarchique précis. Dans le 93, j’avais des réunions mensuelles avec le principal et je coordonnais une mini équipe de collègues qui travaillaient pour les UPE2A…

J’en retiens la leçon suivante : Cher collègue qui enseigne en UPE2A si tu veux changer d’Académie renseigne-toi avant de le faire pour éviter de mauvaises surprises et faire face constamment à des taches et des habitudes que tu n’as pas…. Et surtout ne crois jamais qu’une circulaire nationale soit appliquée partout de la même façon."


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