Jamais deux sans trois

 En octobre de cette année, une semaine avant les vacances de la Toussaint, j'ai fait mon troisième burn out. Il est cette fois accompagné d'une sévère dépression.

En arrêt depuis, j'essaie de me poser (ce que je n'avais pas fait pour les deux autres) et de réfléchir à ce qui s'est passé. Je veux régler ça une fois pour toutes, même si j'ai bien conscience que je m'attaque à du lourd : les conséquences sur ma santé, sur ma vie personnelle, sur ma vie tout court, sont incalculables. Et je ne veux plus jamais me retrouver dans cette situation, me mettre à ce point en danger.

J'ai évoqué sur ce blog les difficultés du dispositif. Elles sont innombrables et insurmontables. Je n'ai pas besoin d'y revenir. 

Mon premier souhait est d'en sortir et de retrouver mes missions de prof de Lettres. 

Mais cette option me pose aussi problème : j'ai enseigné le français à des francophones pendant 10 années. Si j'ai demandé à passer sur un dispositif à l'époque (en faisant valoir une formation FLE), c'est parce que j'étais frustrée et avais un fort sentiment d'impuissance : les 3 à 4 heures passées avec mes élèves de la 6ème à la 3ème me semblaient inadaptées. Elles ne me suffisaient pas à pallier aux difficultés des plus fragiles (et ils étaient nombreux, souvent la majorité, dans mes classes ZEP). Contrairement à ce que clament les gouvernements qui se sont succédé, droite et gauche confondues, les moyens alloués à la scolarisation des élèves fragiles sont loin d'être suffisants, ils ne tendent qu'à sauvegarder un semblant de paix sociale, dans la plus grande des hypocrisies.

Enseigner sur un dispositif, c'était l'assurance d'avoir le temps, de pouvoir mettre en place des parcours individualisés avec des élèves que je connaitrais par cœur. Je m'étais fixé comme objectif d'emmener tous mes élèves à une orientation adaptée en fin de 3ème. Outre la prévention à la délinquance et à la radicalisation, je ne supporte pas ce chiffre de 300 000 jeunes sans solution à la sortie du collège chaque année. C'est ce que j'ai fait ces dernières années, contre vents et marées et une surcharge de travail en constante augmentation. Cela a été la plus grande de mes fiertés (et certainement ce qui m'a fait tenir malgré la fatigue physique et psychologique). 

Comment dans ce cas revenir sur un poste de Lettres ? Comment être cette enseignante que je ne veux pas être, avec ce fort sentiment d'inutilité ? 

Je comprends, dans la réflexion qui est la mienne depuis que j'ai le temps d'y penser, que le souci est bien plus vaste : je ne suis tout simplement pas adaptée à l'éducation nationale (qui n'est elle pas du tout adaptée aux élèves). Je veux être ce prof qui s'occupera des 50% d'élèves que mon ministère laisse sur le carreau. 

Et je n'ai pas les moyens de l'être...

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